ICONE
DU MASSACRE DES INNOCENTS.
Dans "LA NATIVITE DU CHRIST"




               Il y a tant et tant d’années que je voulais faire cette icône de La Nativité du Christ avec le Massacre des Innocents. J’étais allée consulter des documents à la bibliothèque Fornay, à Paris. Un peu déçue, du résultat de mes recherches, je n’imaginais pas possible de le reproduire simplement, en couleur, comme dans l’indifférence, et me demandais toujours comment je pourrais traiter ce sujet. Aussi je devais comprendre d’autres choses pour écrire l’icône…

               Le Christianisme comprend le Massacre des Innocents, qui est aussi dans le chant des Psaumes. (Je ne saurais que trop vous recommander de lire le très beau liminaire d’André Chouraqui.)

               Tous ceux qui sont revenus des ghettos disent combien Dieu y est présent.
               Ce que j’ai voulu exprimer c’est que, s’il peut y avoir colère, il n’y a ni révolte ni violence de par les innocents; ils ne comptent jamais sur des forces matérielles, ni sur des stratégies, et c’est justement la raison pour laquelle ils sont massacrés.

               Dans l’icône de la Nativité du Christ, traditionnellement,
               . En haut, il y a la sphère du domaine prophétique.
               . Au centre, il y a la crèche, l’adoration des mages et des bergers devant le Mystère de l’Incarnation.
               . Plus bas, sous le regard de Marie, deux scènes de doute : le doute de Saint Joseph et le doute de Salomé. (Légende chrétienne du protévangile de Saint Jacques.) Ces scènes représentent un autre volet de la façon dont les humains peuvent accueillir Dieu, contrairement à Marie : dans le doute et le raisonnement…
               Le christianisme proclame que Dieu est dans La Personne.
               Plus lourd, et encore plus bas dans la matière, un troisième volet dévoile, dans Le Massacre des Innocents, une autre manière d’accueillir Dieu, et le Christ qui est Dieu, et Dieu à travers La Personne.
               Violentes et vaines provocations directement adressées à Dieu à travers sa créature et la création… car…
               Deux réalités, deux grandes énergies, sont à discerner:
               . Il y a, s’opposant au Tout Puissant, les faits de massacres, manifestés ici bas, dans la Matière, et à travers La Personne. Et…
               . La- Grande-Tendresse- d’Eternité : Dieu, qui Est dans la Personne, et qui comprend Le- Pardon- de- Toute- Eternité. C’est cela que je devais "comprendre" pour "pouvoir" commencer l’icône.

               Le premier modèle de cette icône, de 40/80cm, a été commencé juste après Noël 2008, peint pendant la guerre de Gaza, et du massacre des Palestiniens sous les bombes au phosphore blanc, il a été terminé le jour du Vendredi Saint: Le 10 Avril 2009.

               Avant de la commencer, déjà, je savais que je voulais peindre le massacre en grisaille, comme du papier journal, comme ce que l’on entend quand on tourne le bouton de la radio… et j’ai pensé à Braque… à Picasso qui utilisaient le papier journal… et c’est ainsi que Guernica s’est imposée à moi, et puis, comme une confirmation, partout où j’allais, je ne voyais plus que cette œuvre, et même à la radio, à plusieurs reprises il en fut question… jusqu’à ce que je la commence.
               Je me suis dit : je vais faire quelque chose "comme" Guernica, j’enlèverai le cheval et le taureau…

               Parfois les artistes crient: « plus jamais ça! ». Ce sont leurs entrailles qui crient.
               En hébreu "les entrailles" c’est la voix de Dieu.
               Quant, alors, je me suis penchée sur Guernica, j’ai vu combien Picasso avait pu écrire du cri de ses entrailles, combien il avait été inspiré, et combien, avec la puissance des peintures rupestres préhistoriques, il a pu dénoncer, crier et réaliser une œuvre de prière toujours d’actualité, malheureusement.

               Dans ce tableau, ce que je ne savais pas, c’est qu’il y a un oiseau, un oiseau blessé, quand je l’ai découvert il m’a fait penser à la colombe du Saint Esprit… et tout s’est enchaîné :
               Il n’était plus question que j’enlève le taureau et le cheval, eux qui n’ont jamais demandé à entrer dans l’arène, ni à faire la guerre. Animaux de puissance, ils répondent et font pendant, à la patience, à la douceur du bœuf et de l’âne dans la crèche. Le Prophète Abaquq a dit : « Tu seras reconnu entre deux animaux. » Les deux animaux de la crèche, représentent deux peuples, les bergers et les mages, soit les Juifs et les Païens.
               Tout en bas, le soldat dépecé est en répons avec le centurion "saisi par Dieu" au pied de la croix.
               L’unique petite fleur dans sa main, est en miroir avec la végétation luxuriante et restaurée de la Nativité.
               Le cri de la mère se mélange au râle du taureau… les souffles se confondent… L’enfant massacré dans les bras de sa mère et c’est La Vierge au pied de la croix. La croix dans l’auréole du Christ: la passion et la résurrection. Dans l’évangile de Saint Luc, Le vieillard Syméon dit à La Vierge: « …et toi, ton âme sera transpercée d’un glaive - afin que soit révélées chez beaucoup les réflexions des cœurs. »
               Un personnage dans les flammes crie vers l’ouverture carrée. Le carré est le symbole du trône de dieu : ses quatre pieds, et donc de son royaume. Pour moi, ces cris sont le chant des Psaumes.
               Comme un œil, (on pense à:« l’œil était dans la tombe et regardait Qaïn. » de Victor Hugo) l’ampoule électrique, maîtrise de l’homme sur l’énergie divine, symbolise aussi la bombe atomique.
               J’ai mis un peu de rose, comme un pétale de fleur, sous la tête du soldat décapité, sur les joues de la femme au regard levé, qui a les jambes si lourdes, comme dans un cauchemar, qu’elle ne peut que se traîner. Un peu de rose aussi aux joues de la femme qui surgit de l’embrasure au centre du tableau, à bout de bras elle tend une flamme, lumière dans les ténèbres- contraste avec la lampe électrique- elle témoigne de la présence du Dieu Vivant. C’est pourquoi la petite flamme est d’or : « …et les ténèbres ne l’on pas saisie… »
               Comme les 7 gouttes d’eau du Bain de l’Enfant s’infiltrant dans les ténèbres…
               La théologie orthodoxe dit que: bien sûre, le Christ n’avait pas besoin d’un baptême puisqu’il est Dieu, mais qu’en pénétrant dans les eaux, il les sanctifie, et qu’à leur tour, les eaux allant à la mer, sanctifient les profondeurs de la mer. De même, en naissant dans une grotte, il sanctifie les profondeurs de la terre. De même, en épousant la condition humaine, il a droit à son bain comme chacun de nous. L’eau du bain et tout le cosmos, sont sanctifiés de par sa présence sur terre.

               à toute la scène du Massacre des Innocents, tentative de déicide, répond la scène du Christ en Croix. Dans l’icône, le Christ, parce qu’Il EST de Toute Eternité, doit être peint glorifié.

               Si vous me demandez, comme souvent: « où est votre liberté de peintre dans l’icône ? »
Voyez comme elle est: en plénitude; dans aucune icône je n’ai vu de scènes peintes en noir et blanc, ni l’eau du bain versée sur le sol et s’infiltrant jusque dans le Massacre des Innocents, c’est en faisant le rapprochement avec le baptême du Christ que l’idée m’en est venue.
               Aussi, quand on peint une icône on n’est pas dans le souci d’être artiste… simplement, on témoigne, on interprète…
               Et comme tout interprète, on peut y mettre tout son corps, toute son âme et toutes ses forces.

               Par cette icône j’ai voulu englober tous les innocents massacrés, tous ceux qui ont été et qui restent, dans le silence, le non-dit, meurtris au plus profond de l’Être, effacés, rayés de la surface de la terre, les ramener aux yeux du monde pour un jugement, une reconnaissance, et les remettre aux pieds de Dieu. Et c’est ma prière, incarnée, symbolisée par un fil d’or tout autour de l’icône, en continu dans le haut, en pointillés vers le bas dans ce monde de douleurs, comme un filet de pêcheur, comme un chapelet.

               Il y a une autre raison pour laquelle faire cette icône me tenait à cœur, c’est qu’il traîne dans le monde et dans les églises chrétiennes, cette idée perverse et meurtrière, New- Age, qu’il faut "positiver", que l’on devient ce que l’on imagine, que l’on attire ce que l’on "est" et donc que l’on mérite ce que l’on "a".
               Cette idée mensongère, est totalement incompatible avec le message du Christ, elle est assez forte pour avoir fait, du massacre des innocents, un sujet tabou.

               Devant le mystère du massacre des innocents il est bon de savoir qu’en hébreu: Dieu "Tout Puissant" se traduit par: "qui se retient".

               Autre chose : Picasso s’est lui-même inspiré du Béatus de Saint - Sever, peint par Stéphanus Garsia . Cette œuvre, manuscrit du XIème siècle, est une transcription de l’Apocalypse de Jean.

               Pour plus de précisions voir texte sur "l’icône de la Nativité du Christ" dans : sylviepetit.icones.free.fr






































Parfois, dans la Nativité du Christ, "la racine de Jessé" est représentée aux pieds de Saint Joseph.
 Trois fois quatorze générations d’Abraham à Joseph, en passant par Jessé, père du roi David.
Dans cette icône, j’ai peint 42" bougies" dans l’arbre.






















Jésus, le rejeton de la racine de Jessé, est peint à portée de main de Joseph.












 

L’eau du bain de l’Enfant imprègne les ténèbres.
J’ai peint 7 gouttes en or. L’or étant la présence de Dieu.
Le chiffre 7 symbolise la mort et la résurrection.



La petite flamme est d’or, elle répond aux 7 gouttes du bain de l’Enfant.











Estampille de Sylvie Petit.