Jacob lutte avec l'ange.




     Après avoir fraudé, béni par son père à la place d'Esaü, Jacob quitte le pays de Bersabée sous le conseil de sa mère, et part pour Harân, chez son oncle, pour y prendre femme. En Genèse 28,10: …Il arriva d'aventure en un lieu. Jacob prit une pierre du lieu et la mit sous sa tête et dormit en ce lieu. Il eut un songe: Voilà qu'une échelle était dressée sur la terre et que son sommet atteignait le ciel. Et les anges de Dieu y montaient et descendaient…

     Plus tard, en revenant au pays, chargé d'âmes et de bétail, Jacob a de bonnes raisons de redouter l'accueil que lui réservera son frère Esaü. En Genèse 32,12: Il prie Le Dieu de ses Pères: « …Veuille me sauver de la main de mon frère Esaü, car j'ai peur de lui… »
Et Jacob met au point toute une stratégie, pour échapper à la main d'Esaü en espérant l'amadouer… Il fait passer le gué à sa famille… à tout ce qu'il possède… et il reste seul. Vient la nuit et l'obscurité: “…et quelqu'un lutta avec lui jusqu'au lever de l'aurore”.
On peut lire que Jacob descend dans ses profondeurs, affronter ses propres peurs et tout ce qu'il a imaginé. Dans ses ténèbres il lutte avec l'aide de l'ange pour s'en sortir. Au petit jour l'ange lui dit : « On ne t'appellera plus Jacob mais Israël car tu as été fort contre Dieu. ».
Jacob dit : « J'ai vu Dieu face à face et j'ai eu la vie sauve. ». Ici nous voyons bien les marches gravies par Jacob durant son combat. Au début dans les ténèbres c'est avec “quelqu'un” qu'il combat, quand l'aube pointe il s'adresse à “un ange”, puis il constate qu'il a lutté “avec Dieu”. Il s'agit donc d'un combat à partir de nos profondeurs, avec l'aide de Dieu, pour accéder à chaque fois à un autre niveau de conscience. C'est une recherche de vérité. A lutter contre ses peurs et tout ce qu'il a échafaudé, Jacob accèdera à un “lâcher-prise”. La volonté de Dieu pourra se faire. Alors, avec la lumière, il trouvera la paix, puisse qu'il n'y aura pas de combat avec Esaü. Il sera accueilli bras ouverts.

     Dans cette icône, pour ne pas la charger, je n'ai pas voulu peindre l'échelle. Mais les montagnes, que l'on voit généralement dans les icônes, représentent largement cette échelle de Jacob que nous gravissons d'échelon en échelon. Au début la base des échelons est large. Plus nous montons, plus nous nous dépouillons. Le chemin se précise et les montagnes n'ont plus qu'une marche, tout en haut. Et peut être que la première marche, d'où Jacob semble prendre son élan, est la pierre sur laquelle il a fait le songe !?
     Dans cette icône, le combat est bénit par le Christ – qui Etait avant qu'Abraham fut – Et la position des doigts dessine le monogramme : IC XC : Jésus Christ.      Illustration du Psaume 33-15, traduit par André Chouraqui: Mensonge, le cheval pour le salut, le surcroît de sa force ne peut le sauver. Et de Saint Paul dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, en 12.10 : « C'est quand je suis faible qu'alors je suis fort. »
     Ainsi, j'ai essayé de dépeindre la dualité qu'il y a entre Jacob -avec toute la force et les stratégies qu'il utilise pour lutter contre ses peurs , alors qu'il ne fait qu'en rajouter- et l'ange -repris dans les même couleurs, puisque c'est “son” ange, mais en plus claires, d'une forme simplifiée- pour exprimer cette présence qui EST de toute éternité,légère, lumineuse, dense et douce, bienveillante… Le Rocher.

     PS : Le petit “clin-Dieu” (comme on dit en Hébreu) de la vie, c'est que, quand j'ai commencé à penser cette icône, j'écoutais sur Fr culture, tout à fait par hasard, un écrivain – Marc Ballanfat - présenter son livre : “Simone Weil ou le combat de l'Ange contre la Force.” C'est sur ce titre que je me suis appuyée, tout le temps du travail : il résume à lui seul, mais vue du ciel, tout ce que vous venez de lire.


Estampille de Sylvie Petit.