Sylvie Petit.
Peintre d'icônes.

No SIRET: 441 174 687 000 18.


Icône en Occident.



     Pour avoir eu la joie de vous accueillir auprès des icônes, et de vous rencontrer lors de mes expositions... j´ai pu constater que c´était toujours les mêmes questions qui revenaient.
     Aussi, il m´est venu à l´idée de composer ces pages à partir de ces temps d´échanges, au fil des rencontres, peut être vous vous y retrouverez...


     De toutes les questions, la plus occidentale, la plus classique et la plus immédiate est celle ci:

     “Vous copiez des reproductions d´icônes anciennes?”

     Cette question est souvent soulevée lorsque l´on sait déjà quelque chose sur l´icône mais sans en avoir la familiarité. D´après une amie Grecque, on ne peut apporter aucune réponse à cette question: ici nous sommes dans la méprise, et si je donne le "oui" attendu, personne ne sera satisfait. Alors souvent je vous propose d´expliquer une icône, par exemple l´icône de La Nativité du Christ, parce qu´elle est très complète.


     Souvent la seconde question est la suivante:

     “Vous utilisez des codes?”

     Attention: si vous dites "code", vous vous enfermez! Et moi avec! Ce sont des signifiances. Si vous dites: "signifiances", vous vous ouvrez. Il n´y a pas de code dans l´icône. Tout y est dit clairement et de façon précise, tout est simple dans l´icône, très simple, c´est pour cette raison que l´on dit: "écrire" une icône.
     Ainsi, dans l´icône de la Vierge à l´Enfant, si le Christ montre le dessous de son pied, c´est pour signifier que Dieu, en s´incarnant dans le Christ, se montre dans sa totalité, comme le dessous de votre pied ou votre oreille vous représentent dans votre totalité dans la médecine chinoise par exemple. Ce sont des vérités universelles, qui datent de bien avant Jésus Christ et dont nous avons perdu le sens. Mais quand on le sait, c´est une grande joie de le peindre, et la profondeur de la lecture en devient immense.

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     Dans l´icône, il n´y a pas que ce geste qui témoigne de l´incarnation de Dieu: tout dans l´icône témoigne de l´incarnation de Dieu.


     “Mais vous n´inventez rien?”

     Dans tous les cas ce qui est sûr, c´est que l´on témoigne du Premier et du Nouveau Testament, et là, on n´a rien à vouloir inventer ou ajouter... Par exemple, le Christ qui bénit, il bénit:  

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 "comme ça"                                               ou "comme ça"
      (Le texte de la seconde icône reste à choisir dans le Nouveau Testament)
(je montre le geste de l´auriculaire relevé ou replié, avec l´annulaire qui rejoint le pouce de la main droite) le livre peut être fermé ou ouvert:
      Que changer à cela? Ce serait du superflu. Aussi chacun doit pouvoir être reconnu aux couleurs de son vêtement, on ne doit pas vouloir faire l´artiste quand on peint une icône... ne pas mettre d´ego...
     Pour ma part, j´aime ne garder que l´essentiel et toujours simplifier.

     “Mais vous y mettez bien quelque chose de vous?”

      Oui, on met tout de nous, tout notre cœur, tout notre savoir faire... et à chaque fois on va chercher plus en profondeur. Peindre une icône c´est faire un voyage intérieur.
     On donne tout de soi, et on ne met pas de soi!
L´icône n´est pas quelque chose de figé. C´est vivant, c´est un art vivant.
     Pasquale, une amie peintre d´icône: “toute sa vie on pourrait peindre la même icône.”
     Marcel Proust: “ ...il y a moins de force dans une innovation artificielle que dans une répétition destinée à suggérer une vérité neuve. ” (dans: " A l´ombre des J-F en fleurs.")
     Un Alsacien tout joyeux devant mes séries et la phrase de Marcel Proust:
“C´est vrai que souvent il y a plus de profondeur dans la répétition que dans la nouveauté!”
     Un homme complètement dérouté mais attentif devant mes trois Christ en Croix.

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Il s´interroge. Je ne comprends pas la pointe de son questionnement, alors il pose ses bagages et s´explique: “Le beau- père de ma fille peint des icônes. Il les reproduit à un poil prêt.” Je reste pantoise. Il vient de découvrir qu´une icône peut être de source contemporaine et je lui suis reconnaissante de l´accepter...


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    Pour ma part, j´ai rêvé faire quarante fois la Sainte Face. Comme il ne m´était pas possible, matériellement, de les faire en grand, j´ai commencé à faire des petites icônes, en séries.

    J´ai beaucoup aimé faire ce travail, qui n´est qu´un temps de prière... de présence... se laisser guider... aller chercher au fond de soi, dans un silence nouveau, une parcelle de vérité... puis une autre... chaque fois neuve et chaque fois différente... Peindre une icône, c´est aller à ce rendez vous du Face à Face qui décape et unifie... ramène à la vie, encore et encore...
     N´est ce pas aussi de cette manière que l´on pourrait comprendre l´ordre divin dans la genèse, 1/28: “Croissez, multipliez, remplissez la terre.” C´est à dire: incarner Dieu dans nos œuvres terrestres par les dons que nous tenons de lui?
     Simone Weil: “l´homme doit s´incarner, car il est désincarné par l´imagination, ce qui procède en nous de Satan c´est l´imagination.” (dans "La pesanteur et la gràce".)



     Un visiteur: “Comment vous est venu cette passion pour l´icône?”
     Ce n´est pas une passion, c´est ma vie toute simple.

     Une femme: “Comment en êtes vous est venue... à peindre des icônes?”

     Je peins depuis toujours, déjà à la maternelle, une institutrice, qui avait sans doute découvert mon goût pour la peinture, me faisait faire de grands dessins durant le temps de la récréation, peut être aussi, avait-elle découvert ma solitude devant ce que certains appellent: "le cannibalisme des enfants". Il n´est pas de jour où je ne me souvienne de ces temps de douceur. Je peignais des collines de sable ocre jaune, le ciel outremer, des maisons blanches et carrées... certaines avec des toits ronds, des palmiers, des bergers avec des crosses d´évêques, des moutons... des chameaux... Je ne sais pourquoi ce thème. Je ne faisais que ça. Mais du plus loin qu´il me souvienne, j´ai toujours eu la foi. Plus tard, à Paris, j´ai pu vivre de ma peinture: j´étais dessinatrice textile...
     Et puis je n´ai plus pu peindre... Il y a eu un grand silence dans ma vie, un silence de vingt ans...
     Je ne pouvais même plus bouger la tête... alors j´ai fait du yoga. Là, j´ai rencontré Eugénia, elle est Grecque, et nous sommes devenues amies, c´est elle, qui m´a fait découvrir l´orthodoxie... Enfin, je n´ai rien découvert, disons que tout de suite je me suis sentie chez moi, avec le Christ que j´aimais.
     Une dame: “Comme Mr Jourdin avec la prose!”      Oui!... Et puis j´ai dévoré cette théologie, et je suis devenue Orthodoxe.
     Entre autre, ce n´est pas par hasard, que dans le même temps, j´ai pu lire: "les évangiles et la foi au risque de la psychanalyse", chez Gallimard, de Françoise Dolto. Son mari était orthodoxe, et elle même, bien sûr, avait fait un grand chemin en recherche de Vérité. Ce qui a beaucoup délié ma vie, c´est sa façon de lire l´évangile du bon Samaritain. Elle remet à l´endroit ce que des siècles de générations ont vécus à l´envers, et d´une façon si limpide! Si évidente! Qu´un nouveau monde s´ouvrait... Pour moi c´était un grand balayage.
     Dans les même temps, Eugénia me poussait à essayer de peindre des icônes... Mais cela ne me disait rien, rien du tout. Un jour je me suis dit que ce serait l´occasion, mine de rien, de pouvoir reprendre les pinceaux en douceur... En effet la préparation du support est très longue, et c´est ce qui m´a aidé: on a le temps de se préparer soi même.
     Ainsi j´ai fait ma première icône: Saint Antoine le Grand. En général c´est l´icône que l´on fait en premier; elle est simple, il n´y a qu´un personnage, de plus Saint Antoine est le patron des moines, et quand on peint des icônes, on a une vie de moine, un peu!...(là je vois vos regards ...les yeux s´écarquillent gentiment dans le questionnement...) J´avais commencé à apprendre la technique à la chapelle orthodoxe de Chalon s/S, (plus tard, j´ai continué les cours avec François Chenue, à Dijon.) et les vacances sont arrivées, j´ai continué toute seule mon icône. Eugénia venait voir mon travail. Auparavant je n´avais jamais fait de visages, je dessinais les fleurs, les herbes, les pierres... J´ai été si surprise de voir apparaître ce visage à la fin du travail - c´est ainsi avec l´icône - que dans la foulée j´ai refait un deuxième Saint Antoine...

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Si le premier avait l´air d´un jeune chevalier...
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le second avait pris soixante ans!

      L´image est une révélation, elle ne vient pas toute seule, c´est vous dire le travail insoupçonné qui se passe en nous dans ce Face à Face.

     C´est dans la répétition que j´ai découvert le sens de l´icône.

     Vous voyez maintenant, pourquoi il n´est pas facile du tout de répondre à la première question: “Vous copiez des reproductions d´icônes anciennes?” mais, je n´ai pas fini d´y répondre...
     En tous cas, depuis, je n´arrête pas de peindre des icônes, avec la même paix que lorsque je peignais à la maternelle au lieu d´aller en cour de récréation.


     “Vous faites des icônes russes?”
     Je suis française.

     “Oui! Mais la technique est russe!”

     Alors! La technique de l´icône c´est "la tempéra". C´est une technique égyptienne, très ancienne, qui date de bien avant Jésus Christ: les pigments sont mélangés à du jaune d´œuf additionné de vinaigre.

     Au début, l´icône est une synthèse des cultures hellénique, romaine et égyptienne, elle rayonne par les grecs, dans tout le bassin méditerranéen, jusqu´en Egypte.
     Saint Marc, mort en 68 à Alexandrie, est considéré comme le patron des Chrétiens d´Orient.
     Mahomet, c´est l´an 600.
     Les russes n´ont été évangélisés qu´à partir de l´an 800, avec l´avancée de l´Islam, ils prennent la relève de l´iconographie.

     Imprégnés par l´ambiance de leur terroir, les peintres adaptent naturellement leur technique et leur palette à leur ressenti intérieur, à leurs racines: c´est ce qui fait la culture d´un pays.
     Ainsi les peintres grecs, nés d´un pays de pierre sèche et, se déplaçant de la Méditerranée jusqu´en Egypte, ont adopté une technique dite "sèche": au trait.
     Plus tard, les russes, d´un pays humide, ont conçu une technique dite: "à la goutte" ou "à la flaque": ils emploient beaucoup plus d´eau.
     Pour ce qui me concerne, étant française et vivant en Bourgogne, j´ai tout naturellement posé, dans ma manière de peindre, les courbes et les rythmes de cette campagne, que j´aime tant parcourir par ses chemins de pierre. Ma technique est donc sèche.
     En travaillant ainsi, au trait, sur le bois minéralisé de blanc, j´ai vraiment la sensation de tendre sur de l´os, la fibre sombre de la chair, avec le sang, de poser la peau... la lumière...

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     Si je travaillais "à la goutte" ou "à la flaque" je ne suis pas sûre que j´aurais cette même perception du charnel. Mais ce n´est pas un choix. C´est venu tout seul des profondeurs de ma manière de vivre la joie de l´incarnation du Christ dans cette matière qui nous constitue et nous entoure.
     On pourrait donc dire que ma technique se rapproche de celle des Grecs, et pourtant, le peintre d´icônes qui me touche le plus, celui qui parle à mon cœur, est le moine Grégoire Krug né en Russie en 1907 et mort à Paris en1969.


     Une dame, fascinée par l´or: “Alors, dites moi... comment vous procédez... vous mettez l´or en dernier?... c´est de l´or n´est ce pas?”
     Oui, c´est de l´or... mais ne croyez pas que le prix de l´icône vient de l´or, le prix vient du temps que l´on y passe.

     “ Ah!... Alors vous mettez combien de temps pour une icône?”

      Pour une icône de 20/30cm: en travaillant bien: un mois! Et je suis contente si j´y arrive.
     Mais, si je posais l´or après avoir peint, toute ma peinture serait recouverte de poussière d´or, de particules, qu´il faudrait gratter… Et tout serait à refaire!

     Mais avant tout ça il y a la préparation du support...

     “Vous peignez sur du bois ?”

     Les bois qui sont creusés, qui ont des "fenêtres", sont des bois fait par un artisan : “L'Atelier de Bois d'Icônes”, dans le sud de la France. Ils sont en tilleul, pour une question pratique. Ne croyez pas qu´il y ait un "bois sacré" pour peindre les icônes! On peut peindre sur n´importe quel bois, du moment qu´il a fait son temps de séchage. Mais le tilleul est léger, tendre, et se tranche de façon nette, il n´est pas pelucheux, comme peut l´être le peuplier, et comme par dessus je colle un tissu, il y a moins de risque de bulles... Quand je peins une icône non creusée, je vais chez mon charpentier... On peut prendre du chêne, du peuplier, des fruitiers, tout ce qui nous inspire.
     Aussi il faut peindre coté cœur de l´arbre; si le bois bouge, l´icône s´ouvrira au lieu de se fermer.

     Sur le bois je passe deux couches de colle de peau, c´est une colle d´origine animale: peau de lapin, arêtes de poisson... (depuis les normes européennes, tous les artistes, doreurs compris, se plaignent de la qualité de cette colle, qui n´est plus ce qu´elle était.) Ensuite je pose une toile "à beurre" jusque sur les bords... suivit d´une autre couche de colle de peau, à ce stade j´ajoute du blanc de Meudon dans ma colle de peau, (c´est de la craie en poudre) et passe douze couches de cette mixture, séchage complet entre chaque couche, ponçage rapide aussi... Et je lisse à l´eau et aux doigts (un bouchon coupé à l´oblique, c´est très bien aussi.) pour obtenir une surface très lisse et pierreuse qui ressemble à du marbre, à de l´os poli.
Le tout ne fait pas 1 mm d´épaisseur!
Je trace mon dessin, préalablement mis au point...
Et vient le temps de la pose de l´or. Si je posais l´or sur la surface blanche, la feuille d´or, qui est si fine et toute fissurée me donnerait un or très froid. Aussi, je pose une "assiette" couleur ocre-rouge, sur les endroits où je désire mettre l´or. Et ensuite je pose l´or. Je lisse au doigt, sur un papier de soie... Et j´époussette finalement le tout avec un gros pinceau très doux...
Et c´est là que tout commence...


     “Vous priez, quand vous faite des icônes?”

     Bon! Là, j´aimerais vous dire que, je ne veux pas être: "comme ci" quand je fais des icônes et: "comme ça" quand je fais la cuisine ou tout autre chose. Cela me tient vraiment à cœur de vous répondre ainsi... De même certains n´aiment pas "perdre" leur temps à préparer les bois d´icône, personnellement ces temps là me reposent, ils sont un silence, un creux qui me prépare... j´en ai même besoin!
     Une dame: “Vous êtes dans un état second quand vous peignez une icône?”
     Ne croyez pas que je sois dans un état second par rapport à ma vie de tous les jours... Par contre, c´est vrai que ce que je ressens quand je peins une icône, n´est pas du tout la même chose que si je peins une fleur.
     Et pourtant, me direz vous: “la fleur, c´est pareil! Elle vient du créateur!”
     Oui, mais je ne suis ni platonicienne, ni bouddhiste!
     Si je fais une fleur, je transpose mon ressenti, ou du moins j´essaye.
     Par contre, en iconographie, ce n´est pas ce que l´on doit faire: mon ressenti, parce qu´il est fluctuant, ne doit pas être pris en considération, simplement je témoigne de l´incarnation du Christ. C´est autre chose... Je suis agissante dans le "non-agir"... Comme on peut l´être quand on fait les vitres avec un autre degré de conscience. Ne croyez pas que je cherche à abaisser l´icône, je ne touche pas là à l´icône, je parle juste de l´Etre par rapport au Faire.
     De même l´orthodoxie demande plus au cœur qu´à l´action.
     Si mon être est trouble, les visages que je vais faire seront troubles, la réponse est immédiate, on ne peut pas se cacher la face, faire l´autruche: l´ascèse accompagne le peintre d´icône comme le pigment imprègne le pinceau.
     Toujours, on doit se simplifier intérieurement, ne garder que le nécessaire.
     C´est dans "L´histoire du Soldat" de Stravinsky, que Ramuz fait dire au diable: “tu as plus que le nécessaire, puisse que tu as le superflu.”
     Dans la vie, l´icône vous dépouillera de vos "bons sentiments" et de vos rêves s´ils sont fait de projections, elle vous fera vivre, sentiments et rêves, à partir de la réalité.
     Peindre une icône, c´est accepter ce cycle: mort- résurrection- mort et résurrection à soi même... Toutes nos morts, pour toutes nos résurrections.    
        Et c'est le sens de: "lève toi... va vers toi même" comme le traduit André Chouraqui, dans le Cantique des Cantiques au chapitre 210. "lekhi lakh" : "Pars, va vers toi même". C'est l'appel initial de la vocation d'Abraham "lekh lakha" Génèse 121.

     “ Mais quelle est la différence d´avec l´église Catholique?”

     Chez les Orthodoxes, nous parlons de: "L´église de Rome" parce que les Orthodoxes aussi sont "catholiques". (Eglise Universelle.)

     La différence est très grande dans la théologie.

     Personnellement, la pointe qui me touche, dans l´Orthodoxie, c´est la louange devant la jubilation de la matière.
     Jésus: “Je vous dis: si ceux-là se taisent, les pierres crieront.” Luc19/40.
     Peut être, parce que je suis plasticienne, je ressens très fort cette joie dans la matière. (ou bien c´est la présence de cette joie qui m´a rendu plasticienne! Qui sait?)

     Sinon, c´est la même foi, le même baptême, et j´oserais même dire: “le même Credo!”. Chacun le sait, et, si ce n´est cette histoire du "filioque" introduit dans le Credo par l´église de Rome, qui a engendré le schisme que nous savons en 1054, (schisme purement politique et non doctrinal, qui remonte à Charlemagne.) vous pouvez constater que le Credo, devant l´icône de la Nativité du Christ, est le même que le Credo catholique.

     Aussi les Orthodoxes ne reconnaissent pas le dogme de l´immaculée conception de Marie, institué, sans convocation de concile, par le pape Pie IX, en 1854. Les Orthodoxes croient en l´immaculée conception de Jésus, c´est à dire au Mystère de l´Incarnation, à la triple virginité de Marie: avant, pendant et après la naissance, que l´on exprime, dans l´icône, par les trois croix sur le manteau de Marie, l´une au front, les deux autres aux épaules.
      Les Orthodoxes croient que Marie, qu´ils nomment: "l´Immaculée", "sans tache", "toute pure", et qu´ils chantent: "Souveraine des anges" était pure de tout péché personnel, mais porteuse, comme chacun de nous, du péché originel.

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     Il y a une icône, dite L´icône de la "Conception de Marie" où l´on voit la main de Dieu bénir le couple, de Sainte Anne et Saint Joachim, en vu de la procréation charnelle.
     L´église Orthodoxe, n´ayant pas d´aversion devant ce qui se rapporte à la nature charnelle, ne connaît pas de distinction entre: "conception active" et "conception passive".
(voir : www.pagesorthodoxes.net). Elle considère comme "chaste" et comme réellement charnelle, mais non comme "immaculée conception", l´union des parents de Marie, ainsi que celle des parents de Saint Jean Baptiste, cousin de Jésus.


     Dans la pratique de l'orthodoxie j´ai trouvé les clefs d´un travail sur soi par le Christ.
Un travail qui rend libre en donnant de l´ampleur à la vie.
     Ainsi:
     Les Catholiques parlent du corps et de l´âme... l´âme étant ce qu´il y a d´éternel en nous.
     Alors que pour les orthodoxes, nous sommes constitués d´une triade: âme, corps, esprit (ne pas confondre avec l´Esprit Saint!).
     Cet "esprit" c´est le "Noüs" dont parle Saint Paul, c´est le lieu de communication avec Dieu. Il est le même pour chacun de nous, il est stable (la conscience est différente pour chacun.) et peut entraîner le corps (lévitation, marche sur les eaux...).
     Notre âme est évolutive, fluctuante, elle fonctionne avec nos émotions, et représente notre psychisme, elle n´est pas confondue avec le spirituel.
     Le Christ dit: “Mon âme est triste jusqu´à la mort... ” Il ne dit pas: “Mon esprit est triste.” car il est dans la béatitude éternelle.
     Ressentir une grande tristesse n´est pas du tout incompatible avec le fait d´être connecté à cette joie profonde. C´est quelque chose de réel que l´on peut expérimenter même dans le désespoir, parce que, au fond du désespoir, il y a l´espoir, et c´est dans cette petite lumière là (et là, on est amené inévitablement à faire le rapprochement avec la Nativité du Christ, dans cette grotte de néant et durant cette, si longue, nuit d´hiver.) que l´on peut discerner cette joie, au début elle est très ténue, mais elle est là, si bien qu´on pourrait croire que son goût est le même que celui du désespoir. En fait les deux goûts se superposent.
     Cette joie, dont je vous parle, qui a la douceur d´une immense paix et ne demande rien, existe en permanence en chacun de nous, mais comme nous ne sommes pas toujours à son écoute, ni à sa recherche, nous finissons par en être déconnectés.

     Dans son livre: "La quête de l´Esprit", chez Albin Michel, Eugraph Kovalevsky l´explique bien: “Le Noüs écoute, l´âme bavarde, le Noüs est tourné vers Dieu, il n´écoute pas l´âme”.
     C´est avec ces données, et dans cette attitude, que l´on peut commencer "le chemin" à partir de "ce discernement". Disons que le discernement devient possible puisque le spirituel, qui est stable, n´est pas confondu avec la sentimentalité qui est relative, voir culturelle.
     Plus loin, il écrit encore: “Quand vous saurez dire: Mon âme est inquiète, vous n´alimenterez plus vôtre inquiétude”. Tant que l´on est dans le Noüs on est dans le discernement.
     Et puis : “Si nous retrouvons en nous l´esprit de l´homme, en lui se fait la rencontre intime avec le Saint-Esprit et avec Dieu”.
Comme les rayons du soleil éclairent, en la traversant, la robe d´un très bon vin.
     Les fruits de l´Esprit: Saint Paul en donne neuf: amour, joie, paix,
                                                                            patience, bonté, bénignité,
                                                                            fidélité, douceur, tempérance.

     Pendant que l´on peint une icône, on est dans le "Noüs". Bien sûr notre âme bavarde. Mais on n´écoute pas l´âme. Alors, petit à petit, avec le temps, les ressentis changent, les habitudes changent, les pensées changent, parce que chaque chose aura pris sa place.
     Ainsi, peindre une icône, c´est travailler son âme et donc soigner son corps, car tout est lié. Le corps est un livre. Avec l´esprit nous sortons de la dualité.(diabolos: diable “ qui désunit ”) C´est à dire que cet esprit est "l´épée" dont parle Jésus: dans Matthieu 10/34: “je ne suis pas venu apporter la paix, mais l´épée.” qui rend droit le chemin.
Jésus se montrait toujours de face; on ne le peint jamais de profil.
      Je peux vous dire, qu´à peindre des icônes, petit à petit j´ai pu me positionner, et faire la part des choses, de ce qui était bon pour moi, et de ce qui ne l´était pas. Cela, d´un premier abord, peut paraître bien simple, mais ça ne l´est pas du tout; il y a l´éducation, il y a la culture, il y a le désir des autres et leurs projections, et nos propres désirs et toutes nos projections... C´est à dire, tout ce qui nous sépare de Dieu et de notre incarnation comme elle doit être, ou plutôt comme elle doit se faire parce que c´est le travail de toute la vie.

     Par exemple, "une icône de projection" très aimée de certains Catholiques, et que l´on ne doit jamais faire: c´est celle de la Sainte Famille avec Jésus, Marie, et Joseph. Peindre une telle icône procède d´une projection sentimentale, et culturelle, dans le désir que l´on a à vouloir se rapprocher de cette famille comme d´un modèle normatif, et revient à dire que Maire et Joseph ont eu l´enfant ensemble, ce qui n´est pas du tout le cas. Marie aurait pu être lapidée, Joseph est passé par le doute, et Jésus est le fils de Dieu! Ceux qui se retrouvent en face de cette famille, que je viens de décrire, n´ont pas la même démarche que ceux qui se comparent à "la Sainte Famille".

     Un monsieur, qui y tient, (en parlant de Joseph): “Mais, quand même!, il a bien dû la prendre parfois dans ses bras?”
     Mais, Marie, qui était "pleine de gràce" et Mère de Dieu, avait-elle besoin d´être prise dans les bras?... Etait-elle en manque de quelque chose?...
     Une dame: “Ben non!”
     Et Jésus!, sans doute Marie le prenait dans ses bras, mais était-il en manque?
     La dame (Agnès): “Ben non!”
     Le monsieur n´était pas très content, cela devait remettre en question l´image en miroir, qu´il avait établie entre cette représentation de Marie, Joseph, l´Enfant de Marie, et sa propre famille.

     Il existe bien d´autres icônes à l´image de nos projections. Des icônes que l´on ne doit pas faire. Comme celle où l´on voit Dieu le Père avec une barbe blanche. Comme les Juifs et les Musulmans, jamais, nous ne devons dépeindre Dieu, ainsi que de chercher à le définir, nous ne ferions que le réduire. Mais en tant que chrétiens, nous pouvons représenter le Christ, qui est Dieu, parce que nous l´avons vu, mais pas Dieu parce que nous ne l´avons pas vu.

     Vierges orthodoxes, Vierges catholiques.

     Un peu comme les vierges noires, les vierges orthodoxes sont beaucoup plus hiératiques que les vierges catholiques, qui touchent parfois au sentimentalisme, voir au maniérisme. Cette différence se fait sentir dés la fin du XIIe et de l´art roman, avec la venue de l´art gothique.
     A la suite d´un voyage à Venise, un monsieur me fait parvenir la photo d´une Vierge à l´Enfant du XIIIe siècle, qu´on lui avait présentée comme une icône. Tout de suite, on pouvait voir que ce n´était pas une icône. Sans doute la peinture était sur bois, peut être à la tempéra, mais rien, dans cette œuvre n´était iconographique, c´est à dire écrit.
     En iconographie, d´une manière générale, il y a quatre représentations de la Vierge, comme je vous l´expliquerai plus loin.
     Mais revenons à cette "icône de Venise" où la Vierge était assise sur un coussin, à même le sol, et non sur un trône royal, les mains posées sur les genoux, autour de l´enfant, sans rien exprimer, un voile devant l´enfant pour cacher, un peu, la chair, et non pour en montrer l´incarnation... Ainsi, nous sommes arrivés, en Occident, petit à petit, avec le temps, et à cause de l´invention de la mode, à nous éloigner de l´image parlante. Peut être parce qu´on a désiré faire "du nouveau", et donc reconnaître à l´artiste, à partir de la renaissance, une valeur géniale, on s´est éloigné, pour ce qui est de l´icône et de sa compréhension, d´un art qui accompagne le sacré. 

     Une dame, attirée par "la possibilité d´un sens caché dans l´icône":
“... parfois on voit une Vierge à trois mains ...”

     Il n´y a pas de mystère caché, rien ne se veut voilé dans l´icône, ni réservé aux initiés. Au contraire, tout ce qui y est écrit est fait pour être compris dans l´instant vif du coup d´œil.
     La troisième main peut évoquer l´ex-voto offert par Saint Jean Damascène, à qui le calife avait fait couper la main, pour sa guérison miraculeuse. Aussi elle peut être la main du donateur de l´icône, parfois le donateur est représenté en entier, agenouillé. 


     Plus, dans une icône, on exprimera qu´il n´y a pas de hasard, meilleure elle sera.
Tout, dans une icône, doit être exprimé de façon "voulue". C´est pour ça aussi que l´on entend souvent dire que dans l´icône: "tout a un sens", mais ce sens n´est pas à comprendre comme mystère ou code à décrypter.

     Le seul mystère, présent dans une icône, est le Mystère de l´Incarnation.

   


      Ainsi, dans cette icône de la Vierge à l´Enfant, vous voyez comment les deux auréoles se rencontrent, et de façon précise, comment la ligne du pouce de Jésus longe la ligne du manteau, comment toutes les lignes du voile de Marie se rejoignent jusqu´au creux de sa main pour, dans le mouvement de la main, se rassembler et aller vers Jésus... Voyez, par ces lignes, toute sa personne, tout son cœur, englobés en offrande dans ce signe qu´elle nous fait: d´aller comme elle et avec elle, vers Jésus: "Elle montre le chemin": Hodigitria:

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     De même le peintre est libre de bien positionner le pied du Christ Pantocrator dans l´angle de l´estrade, ou de ne pas le faire.

     (Dans une école d´art on vous demandera d´éviter à tout prix cette façon de peindre, mais de faire que les lignes et les volumes se parlent dans une énergie et une dynamique d´opposition).

     Dans cet esprit, c´est avec beaucoup de joie que j´ai peint cette icône de Saint Georges (ci-dessous à gauche) et aussi celle de "Entrée Triomphale" (ci-dessous à droite).

    

Ces deux icônes sont d´inspiration contemporaine, du Moine Grégoire Krug, à mon goût, je ne connais pas d´iconographe qui sache si bien écrire.

     Dans ces icônes, la couleur or ou jaune de l´espace céleste, qui représente la présence de Dieu, semble couler et imbiber l'âne et le cheval, comme de l´huile, jusqu´au bout de leurs sabots. On peut ainsi comprendre que, et Jésus, et Saint Georges chevauchent la volonté de Dieu.
A la manière dont sont posés les sabots, on peut voir combien cette volonté est précise. Indéniablement l´action se passe dans cet instant là, et, à cet endroit là...

     Dans l´Entrée à Jérusalem:
L´une des pattes avant de l'âne est levée, en douceur, juste au dessus de l´enfant, elle forme une croix avec l´autre patte avant. Les pattes avant témoignent de ce qui attend Jésus dans le future immédiat...

     Dans l´icône de Saint Georges:
Les sabots sont posés calmement juste sur les " bosses " du corps du dragon...
La lance "bénie par la main de Dieu" passe inévitablement au milieu de l´encolure du cheval...
Puis dans l´angle de la rencontre du poitrail et de la patte...
Puis exactement en dessous et au milieu de la patte...
Pour aboutir en plein dans la gueule dragon.
     Ainsi, Saint Georges n´a pas d´effort à faire, il est là, "sur son chemin", quand il faut, où il faut, "instrument de Dieu": l´action de Dieu passe par sa main.
     Comme je vous le disais plus haut, dans cette icône, le cheval est peint presque de la même couleur que les feuilles d´or, et les courbes des montagnes semblent faire glisser l´or, (dans l´icône l´or représente la présence de Dieu, la lumière incréée.) comme un entonnoir, dans le corps du cheval, jusqu´à la pointe des sabots.
     Pas d´affolement dans cette icône, l´instant béni est parfaitement maîtriser par l´homme et par l´animal qui ne soulève qu´à peine la patte avant, en pleine conscience, juste ce qu´il faut pour ne pas être brûlé.
     Tandis que les autres pattes, positionnées en espaces réguliers sur le corps du dragon, encadrent les trois motifs qui le composent: l´ouverture de la grotte d´où il est sorti, ses ailes, et sa tête mourante avec le feu.
     Et comme me dit mon fils Paul: “Il va mal ton dragon!” Oui, il va mal, il ne lutte même plus! Et ça se voit! Et ça aussi c´est bien!


      En iconographie, il existe quatre représentations de la Vierge.

     

    La Vierge Trônante: avec les archanges... Marie est représentée assise sur un trône royal... l´Enfant, comme elle: de face, assis sur ses genoux.
     La Vierge du Signe: dite: "Hodigitria" en grec, c´est à dire "celle qui montre le chemin." Jésus: “Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie.”
     La Vierge de Tendresse: "joue contre joue" qui a aussi quelques variantes, comme la vierge dite: Pélagonitissa, parce que le plus vieil exemple aurait été découvert en Pélagonie, en Russie, mais depuis une autre plus ancienne a été découverte au mont Sinaï.
      La Vierge Orante: avec Jésus, dans un cercle devant elle.Tous deux de face.

     Vous voyez que sur ces icônes les mains de la Vierge sont signifiantes... orantes: elles rendent gràce... ou bien, comme dans la Vierge du Signe: elles montrent le chemin... elles entourent l´Enfant mais ne le portent pas...

     Il y a une autre sorte de Vierge, dite allaitante "Galaktotrophousa", "qui donne le lait". Dans cette petite icône, si la robe du Christ est peinte comme une gaze: fil à fil, tissée sur le corps de Jésus, c´est pour témoigner de l´incarnation du Christ, pour montrer son corps à travers le tissus, et non pour en cacher la nudité.


     Et si, dans l´icône de la Nativité du Christ, la Vierge est représentée allongée sur un matelas, c´est pour dire la "véritable naissance" de l´enfant. Dans les Vierges à l´Enfant, on ne représente jamais la Vierge assise à même le sol, même sur un coussin.

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     Si le matelas est rouge, c´est que le rouge est la couleur de la royauté, du sang, de la vie...
     Une dame: “c´est pour ça qu´il y a beaucoup de rouge dans vos icône?”
     Oui... c´est aussi la couleur du Saint Esprit.
    Dans l´icône de L´Annonciation ou de la Conception de Marie, le drapé rouge signifie que la scène se passe dans un intérieur.


     Encore sur le registre de la projection:
     Eugénia: (Je lui montre ma première icône de la Vierge à l´Enfant) “mais, tu n´as pas fait une Vierge à l´Enfant: Tu as fait une maternité!”
     Le soir même "ma fausse icône" passait au lavabo... J´ai vu qu´elle avait raison et je me suis souvenue que je peignais l´icône imprégnée d´un sentiment maternel...
     Eugénia: “Il doit y avoir une distance entre la Vierge et l´Enfant, même si c´est une Vierge de Tendresse, joue contre joue, on doit sentir cette distance... Et ça te rendra plus forte pour tes enfants.” Argument puissant!

     Ainsi, quand je peins une icône, je ne dois pas y déposer de sentimentalité, sinon je charge celui qui la regarde de mes projections personnelles, j´alourdis sa vie et brouille son chemin. C´est pour cette raison que vous devez faire bénir votre icône; Pour y effacer l´ego que le peintre y aura plus ou moins déposé.
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     Toujours, par rapport à la sentimentalité, une autre question qui revient très souvent: 
     “Pourquoi, La Vierge tourne-t-elle le dos à son enfant, dans la Nativité du Christ?”


     C´est vrai, on pourrait croire qu´elle tourne le dos à l´enfant, mais l´enfant Jésus est traditionnellement représenté deux fois. Parfois trois.
     Comme dans cette icône vous pouvez reconnaître le Christ à son auréole, il est représenté:
.Dans la grotte de la Nativité.
.Sous la racine de Jessé.(Jessé, père du Roi David et ancêtre du Christ.)
.Dans la scène du "bain de l´Enfant".

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     On peut voir que Marie regarde vers le bas: elle regarde l´humanité. Sous le regard de Marie se trouve l´humanité, et son enfant est aussi représenté en bas, avec l´humanité dans "la scène du bain de l´Enfant".

     

     Cette scène est une scène de doute: le doute de Salomé (extraite du protévangile de Saint- Jacques), elle fait pendant au doute de Saint Joseph...


     Marie, qui était pleine de gràce, Mère de Dieu, qui a dit : “Oui” sans calcul, regarde comment son fils est accueilli dans l´humanité... Marie, sans doute a ouvert tout son amour à Jésus, mais surtout, elle est venue pour intercéder, dans la liturgie orthodoxe nous disons qu´elle est l´intercetrice entre Dieu et l´humanité, dont elle a le souci...

     Il existe des icônes de la Nativité du Christ où l´on peut voir, peinte au dessous des deux scènes de doute, plus bas dans la matière, la scène du Massacre des Innocents: autre volet de l´accueil humain réservé à Dieu.

     Maintenant vous pouvez comprendre pourquoi, cette remarque:
     “Mais! Dans les icônes, les Vierges n´ont pas la joie d´une jeune accouchée!” peut paraître un peut hors sujet pour un Orthodoxe.

     Ceci dit, la scène du bain de l´enfant, en bas de l´icône, témoigne de l´incarnation de Dieu dans la personne de Jésus... Elle ne signifie pas, bien sûr, que Dieu ait besoin d´un bain, mais que, en s´incarnant, Jésus a droit à son bain comme chacun de nous.
     Et en conséquence, vous l´imaginez bien! L´eau du bain répandue sur le sol sanctifie le cosmos tout entier...
     L´icône ne fait que témoigner de la jubilation de la matière par la venue de Jésus.
     Une dame: “Oh! La! La!... que c´est loin de nous!”
     Mais, non! C´est tout près! (Et chacun de rire, j´ai trop aimé son intervention!).

     C´est la même symbolique que l´on retrouve dans l´icône du Baptême du Christ. La théologie Orthodoxe dit que: bien sûr, Dieu n´avait pas besoin d´un baptême, mais qu´en pénétrant dans les eaux du fleuve Jésus sanctifie les eaux, qui vont jusque dans les profondeurs de la mer, et qui, en s´évaporant, avec la pluie, ressanctifient éternellement la terre...


     Et c´est encore la même idée que l´on retrouve avec "le noir de néant" de la grotte de la Nativité du Christ" où Jésus, en naissant dans une grotte, sanctifie la terre jusque dans ses profondeurs les plus obscures.

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     “ Alors, comment ça commence une icône?” (voir: Massacre des Innocents.)

     Ca commence dans la gadoue, la gadoue la plus complète! On a fait son dessin...... 


       

     Alors!... soit dit en passant,parfois le dessin déborde, il déborde de la fenêtre: c´est le spirituel qui vient à vous... Quand on regarde une icône, on ne doit pas s´y perdre, y vaquer comme dans un tableau. 

    

     Les points de fuite sont en vous, en fait, il n´y a pas de "fuite", tout vient à vous. Vous êtes attendu et c´est le sens de la perspective inversée. La rencontre se fait en vous puisque Dieu est en vous.
     Contrairement à l´aquarelle, où l´on réserve les blancs, la lumière, et où l´on va du clair au foncé, avec l´icône, nous partons de l´obscurité pour aller à la lumière.

     Voilà: au début je laboure la terre profonde et positionne le dessin... J´avance petit à petit.
     Là, je me sens très préhistorique, dans la glaise (la "Adamah") et la grotte, avec comme matières les noirs, les terres, les terres brûlées, et les ocres... Je reste longtemps dans ce travail de fond, parce que je sais maintenant, que c´est le plus important. Que le plus important de la vie se fait dans l´obscurité, parfois dans le vide, que l´on croit vide... mais non!

     Aussi c´est parfois émouvant de pouvoir utiliser ces pigments aux noms si évocateurs. Il y a la "Terre de Pouzzoles", qui est ocre rouge:
     “J´étais en villégiature à Pouzzoles lorsqu´on annonça la venue d´un certain Paul, un prédicateur juif arrivant de Malte et se dirigeant vers Rome après un long périple en Grèce et en Orient. Comme la plus part des habitants de Pouzzoles, je ne savais rien de lui, si ce n´est qu´il avait la réputation d´être un orateur de talent. J´ai pu très vite en avoir la preuve. Le soir même de son arrivée, Paul s´adressait à la foule sur le forum de Pouzzoles.... ” extrait de "SATOR" d´Alain Le Ninèze, éditions Actes Sud, texte traduit du manuscrit latin de Lucius Albinus, procurateur de la province de Judée.

     Un jour, je me suis dit: “Je vais faire la grotte avec des profondeurs, des nuances, et puis un autre jour, avant d´être passée à l´action, heureusement, j´ai lu que non! Il ne fallait pas. La grotte de Jésus devait se peindre du noir le plus noir... d´un noir sans histoire à l´intérieur pour l´adoucir...

     Un monsieur: “Du noir de néant!...”
     Oui ...du noir de néant...

     Mais!... Quand je pose les noirs, j´ai déjà posé le dessin et l´or... donc la présence de Dieu... celui qui "EST" de toute éternité.
     C´est ce que signifient les trois lettres de l´auréole du Christ: 

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Elles sont la traduction, en grec, du nom Hébreux, que Dieu donne à Moïse sur la montagne du Sinaï: “Tu diras que "JE SUIS CELUI QUI EST" c´est mon nom.” Cela s´écrit:

Nom de Dieu en Hebreux

on épelle, en commençant par la droite: Yod - Hé - Waw - Hé, 

        Comme le traduit André Chouraqui, ce nom peut signifier aussi:
"Celui qui a toujours été" ou "qui sera toujours"
"Celui qui sait être et qui se révèle"
"Celui qui est avec les hommes pour les protèger et les sauver du malheur"
"Celui qui fait être et crée le monde"
"Le créateur"
"Celui qui fera être ce qu'il fera être"
"Celui qui fait être et se révèle"
"Celui qui fait être et réalise ses promesses"
"Celui qui a été, qui est, qui sera et qui fait être"

  Mais ce nom de Dieu est imprononçable: nous ne devons et ne pouvons le contenir, (Pour les mêmes raisons que nous ne pouvons représenter Dieu) traduit en grec, la langue de la Nouvelle Eglise, on ne gardera que trois lettres


     Ces trois lettres, et la croix, disposées sur l´auréole préfigurent la passion et la résurrection.

     Pour ce qui me concerne, je dois vous dire que c´est parfois bien éprouvant d´être ainsi dans la matière, à chaque icône je me dis: “Je n´y arriverai pas...”.
     Défilent les peines, les espoirs, les peurs, les doutes, les joies, (certaines joies peuvent être aussi des projections) tous les encombrements de la vie. Ne rien retenir et tout remettre à Dieu... encore et encore... Petit à petit se dégagent les formes, les chemins de la vie, et l´icône devient belle déjà, avec ses noirs, ses bruns, et ses ocres... à chaque fois je pourrais m´arrêter là... comme si j´avais peur du printemps!
      “Le moins que nous puissions faire, c´est de ne pas plus Lui résister que ne résiste la Terre au Printemps, quand il vient. Soyez joyeux et plein de confiance. Vôtre... Rainer- Maria Rilke.” (dans: Lettres à un jeune poète.)
     En même temps que les verts, montent les rouges, les oranges, pour aller du jaune au blanc. De toutes les façons on sait que l´on va y arriver: on est tiré de la lourdeur à la légèreté.


     Ainsi, se fait en nous tout le travail d´incarnation. Puisque l´on chasse l´imaginaire, et parce que l´on est sur le chemin, un chemin de dépouillement, il n´y a qu´à le suivre, en confiance, on se laisse guider, ça vient de l´intérieur, du cœur. Juste se positionner à chaque instant, ne pas vouloir s´en sortir plus vite, garder sa place, ne pas se raconter d´histoires.
     Saint Silouane disait: “Garde ton âme en enfer et ne désespère pas.”
     Et, sur la première icône que l´on fait, celle de Saint Antoine, il est écrit: “La persévérance dans l´épreuve vient à bout de tous les démons.”


     Parfois, certaines personnes me demandent: “Mais, avec cette technique, vous ne pourriez pas faire autre chose?”

     Justement cette technique n´est pas facile à manipuler. Ce n´est pas comme de la peinture à l´huile, ou comme l´encre, on ne peut pas, avec la tempéra, avoir une gestuelle. Les pigments se déposent de façon astreignante. Ce n´est pas une matière que l´on peut oublier. C´est une matière qui nous ramène à la matière, et au profond de nous même, à notre grotte intérieure. C´est vraiment pour la prière et non pour l´artiste. C´est une ascèse pour une recherche de Vérité.

     Chaque couche est transparente, comme dans la vie, la couleur du fond transparaîtra sous celle du dessus. Toutes joueront ensemble. Ainsi se posent les bases. On monte le chemin, les surfaces claires s´affinent, et la lumière n´a plus qu´à se poser... là où elle est attendue et de façon précise, très précise. 

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Au dos de mes icônes : une estampille.

    Une icône est une image “non faite de main d’homme”. C’est pour cette raison qu’elle n’est pas signée. Au début j’étais très contente de cet état des choses parce que je n’ai jamais aimé signer mes œuvres. Et puis l’on m’a conseillé, pour me protéger, de signer comme cela peut ce faire aussi :  “par la main de … ”.

    A ce jour je  préfère ne garder qu’une estampille au dos de mes icônes.
    J’ai dessiné la croix orthodoxe, juste au dessus des initiales de mes deux prénoms de baptême : Jeanne-Madeleine, pour témoigner par la présence des douze apôtres et des quatre évangélistes qui forment la mandorle.




Estampille de Sylvie Petit.


Autres œuvres de Sylvie PETIT : Léonard, santons, figurines, tableaux, paravents, fleurs, Texte: Icônes en Occident.
Contact : Sylvie PETIT.